Jean Zay – Episode 4 – Héros oublié qui manqua à la République

Publié le 9 septembre 2016

667AP/141/955Pendant un demi siècle, pas de « devoir de mémoire »,  encore moins de devoir d’Histoire pour Jean Zay. Pourquoi disparait-il totalement pendant 50 ans ? Pour réapparaitre dans les années 90 ? Et entrer au Panthéon en 2015 ?

Qu’est-ce que cette odieuse polémique du Drapeau, poème qu’il écrit à 19 ans, en 1924, 6 ans après la fin de la Grande Boucherie de 14-18 ? (Texte ci-dessous).

A la Libération, de Gaulle forge le mythe d’une France unie – autour de lui – dans la résistance contre l’occupant. Légende dont Jean Zay est escamoté. Avec ses réalisations de 36-39, le jeune Ministre de « la vraie gauche », dérangeait déjà de son vivant. Mort, il dérange aussi, car il n’a pas été assassiné par des Allemands, mais par des Français de la Milice. Victime d’une guerre civile française. Dérangeant rappel de ce temps où les Français ne s’aimaient pas. S’aiment-ils mieux aujourd’hui ?

La République qui renait en 1944, blanchit des cohortes de collaborateurs français des nazis : Hauts et petits fonctionnaires, militaires… eux mêmes serviteurs d’importants financiers et industriels français, traitres et membres des 200 familles, qui comprennent dès 1941 que les nazis, (sur lesquels ils misaient depuis les années 30), vont perdre la guerre, que les USA vont devenir les nouveaux maitres du monde, et qu’il faut changer de monture.

Jean Zay – son humanité, sa moralité, ses convictions républicaines, son enthousiasme, son inventivité, sa vitalité…  ont cruellement manqué à la renaissance d’une France dont une grande partie de l’appareil restait truffé de traitres, collabos, anti-républicains et de profiteurs capitalistes sans scrupules… France dont des descendants des 200 familles sont aujourd’hui toujours au pouvoir. Et dont les crimes contre le peuple alimentent toujours le terreau du fascisme français, vieille tradition de ce pays.

De Jean Zay, il nous reste un héritage social détruit par tous les gouvernements, y compris par ceux qui se prétendent « de gauche ». Et Souvenirs et solitude, magnifique journal où il évoque présent de la prison. Le passé des réalisations et de la vie gouvernementales des années 30, (et notamment les puantes coulisses de l’odieuse politique munichoise en faveur des régimes fascistes). Et futur des réformes à entreprendre pour une République plus juste et plus forte. Comme celle que voulaient nous léguer les héros de la Résistance française du CNRConseil National de la Résistance – qui, avant de s’effacer, nous ont, en 2003, lancé cet appel.

Entretien avec Hélène Mouchard-Zay, l’une des deux filles de Jean Zay, et l’une des fondatrices du CERCIL : Centre d’Etudes et de Recherches sur les Camps d’Internement du Loiret.


LE DRAPEAU – Par Jean Zay – 19 ans en 1924.

Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.

Quinze cent mille dans mon pays, Quinze millions dans tous les pays.

Quinze cent mille morts, mon Dieu !

Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…

Quinze cent mille dont chacun avait une mère, une maîtresse,

Des enfants, une maison, une vie un espoir, un cœur…

Qu’est ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?

Quinze cent mille morts, mon Dieu !

Quinze cent mille morts pour cette saloperie.

Quinze cent mille éventrés, déchiquetés,

Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,

Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,

Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.

Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières

Sans planches et sans prières…

Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux

De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ?

Ils ne sont plus que des pourritures…

Pour cette immonde petite guenille !

Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,

Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes

Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis

Je te hais au nom des squelettes… Ils étaient Quinze cent mille

Je te hais pour tous ceux qui te saluent,

Je te hais à cause des peigne-culs, des couillons, des putains,

Qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre,

Je hais en toi toute la vieille oppression séculaire, le dieu bestial,

Le défi aux hommes que nous ne savons pas être.

Je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le sang bleu que tu voles au ciel,

Le blanc livide de tes remords.

Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup

Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.

Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,

Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.

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